vendredi 13 décembre 2013

I love Lovina, but...

Journée pénible: à Bali, tout se négocie. A Lovina, une petite station balnéaire tranquille du Nord de l'île, aussi. Les touristes sont rares par rapport au nombre d'hébergements, de restaurants et de petites boutiques, surtout en cette saison. Du coup, ils sont harcelés. Conversation typique:

"Hello! How are you?"
"Fine, thank you. And you?"
"Good! Where are you from?"
"France"
"Oh, France! Bonjour, ça va?" grand sourire suivi d'un "What's your name?" et de vous serrer la main en se présentant. Maintenant que le lien est établi, on passe aux choses sérieuses: 
"Are you interested in (au choix): seeing the dolphins? Diving? Shopping? Taxi? Motorbike?... pas cher, pas cher".
"No, thank you, I don't need anything"
"but why? pas cher !"

Plus loin: 
"Hello! My "friend"! Do you remember me? If you book a taxi, it's with me!" L'un d'entre eux a même osé un "Honey" que j'ai tout d'abord pris pour la prononciation approximative de mon prénom. 

Version suppliante (la pire): "please, come and see! Please buy me a sarong! For good luck today!" pas de sourire, juste une tentative désespérée de vendre quelque chose alors que les dix étals suivants proposent les mêmes produits.

Une fois, ça va, deux aussi, mais dix à vingt fois en une journée, je frôle l'overdose et ça retombe sur les plus honnêtes... Alors que j'avais trouvé un bout de plage fréquenté uniquement par les pêcheurs et leur famille, un jeune homme est venu vers moi. Intéressant, amical, il m'a raconté sa vie et ça n'a pas raté, dix minutes après, il me sortait sa marchandise. Sauf qu'il était étudiant en art, avait pu se former grâce à un parrainage français, fabriquait des bijoux plutôt jolis qui servaient aussi à financer l'éducation d'autres enfants (en étant capable de m'expliquer le processus), etc. Je lui ai dis qu'on m'avait suffisamment menti depuis la veille (genre: "You are looking for spice dive? I am a dive master of spice dive! I offer you a free room if you book a dive with us!" laquelle chambre est la seule pièce d'une maison déserte avec aucun club de plongée en vue...). L'étudiant m'a répondu qu'il croyait dans le karma et tentait de vivre avec un coeur ouvert sur le monde (sous entendu, il ne se permettrait pas d'être malhonnête). J'ai fini par craquer sans savoir si je devais le croire, je ne voulais pas de colliers, mais j'en ai pris trois (au lieu de cinq) et au moment de payer, il me manquait 5000 IDR (genre 30 centimes). Il m'a laissé les trois et j'ai le sentiment de l'avoir volé... Mauvais pour mon karma... 

Gérer la différence de niveau de vie entre nos pays et ce qu'elle induit dans les relations marchandes et humaines est peut-être ce que je déteste le plus. A force, on finit par ne plus croire personne, y compris les plus sincères, et par négocier dur pour 1 euro, ce qui est assez ridicule. Le pli de la méfiance est pris et l'on ne sait plus s'en défaire à temps. Être considérée comme un porte-monnaie ambulant, c'est fatigant. La solution serait de garder de la distance et de l'humour en toutes circonstances, mais que chaque approche amicale se réduise à un échange marchand, c'est lassant. Si vous avez des conseils ou des répliques efficaces dans ce genre de situation, je suis preneuse.

jeudi 12 décembre 2013

Des p'tites bulles, des p'tites bulles, toujours des p'tites bulles...

"J'ai des copains de plongée à Bali en ce moment, je vous mets en contact" – ma sœur, en novembre. Elle m'aurait proposé ça il y a quelques mois, je n'aurais pas suivi : sport à risque + respirer sous l'eau dans un tuyau = euh...non, vraiment, non, merci, n'insistez pas... Il me fallait bien un périple en Asie pour décider de m'y mettre. Pour lever des appréhensions bien naturelles, j'ai commencé par un baptême de plongée à Lorient, sur la plage du Perello, mené avec brio par ma sœur et coachée par mon beau-frère, lequel m'a supplié de ne pas faire pipi dans sa combinaison de plongée même pour me réchauffer (le "nareux", comme disent les Lorrains). Par contre, j'avais le droit de cracher dans son masque pour éviter la buée. Sympa, la plongée... Au-delà de ces aspects régressifs, j'ai découvert des paysages sous-marins que j'étais loin de soupçonner en allant me dorer sur cette plage tous les étés : laminaires, algues vertes, rouges, roses, spirographe, bernards l'hermite, anémones... J'en suis sortie enchantée. Si vous avez suivi, j'ai ensuite acquis les bases en passant l'Open Water aux îles Gili, puis enchaîné sur des "fun dives" à Nusa Lembogan. La proposition de Laurent tombait donc à point nommé : me joindre à eux pour plonger sur le Liberty, un navire américain torpillé par les Japonais en 1942, échoué sur la cote Est de Bali et rejeté à la mer par une éruption du mont Agun en 1963. 

Nous avons quitté Sanur le lundi matin (si vous n'avez rien de spécial à y faire, inutile de vous y attarder) pour rejoindre Tulamben, en faisant étape à Tirta Ganga, le palais des eaux.




A l'arrivée, déception: les prix du bon plan avaient quintuplé en un an... et n'imaginez pas convaincre des plongeurs émérites d'envisager un repli loin du rivage, alors qu'il leur suffirait de chausser les palmes pour rejoindre l'épave. Heureusement, nous avons trouvé refuge quelques mètres plus haut à Aqua Dive Paradise, qui proposait, outre un équipement de qualité, des chambres simples, propres, confortables et pas chères. J'avais prévu de faire une ou deux plongées puis d'explorer l'arrière-pays. C'était sans compter la richesse de la vie sous-marine sur cette épave et la passion communicative de Laurent et Laetitia pour les fonds marins. Finalement, j'en ai fait six, dont une de nuit au cours de laquelle nous avons vu d'énormes poissons perroquets à bosse dissimulés dans les recoins de l'épave et des mérous en chasse (mantra: "rester calme, rester calme, rester calme... Bon, les palmes de Laurent sont blanches et noires, facile, j'me tromperai pas de palanquée... Ciel! Du courant! Mayday, mayday! je m'écrase contre l'épave!"). Ils ont eu la gentillesse de partager leur plongées et leurs conseils avec une débutante qui consommait son air deux fois plus vite ("Quoi? Il vous reste 100 bars? Mais pourquoi il m'en reste 50?!..." ou comment comprendre très concrètement que les muscles consomment de l'oxygène). Mon vocabulaire s'est enrichi de nouveaux mots (merci à Laurent Trapani pour les photos)...


comatules
                       
                     
ascidies    


 anguilles jardinières


 bénitiers...  

... et mon imaginaire d'un monde fabuleux, riche de couleurs et de formes. Il y a tellement de poissons sur cette épave qu'on finirait par se prendre pour l'un d'entre eux... Allez, les dernières pour la route:





S'ils n'avaient pas eu un avion à prendre, ça aurait pu durer longtemps! Nous avons complété le séjour par une excursion à la cascade de Tejakulah, une ballade rafraîchissante, et au Pura Lempuyan, le temple de l'Est. Conclusion: il est plus facile de plonger que de grimper 1700 marches sous un climat tropical dans la jungle... On s'est arrêtés avant les singes agressifs et le dernier temple, perdu dans la brume. 

Pour conclure, un grand merci à Laurent et Laetitia pour les bons moments partagés et ces plongées que je n'aurais jamais réalisées sans eux. Méfiez-vous : plus on plonge, plus on y prend goût...

Côté pratique:
  • Passer l'open water: près d'un même site, les prix sont les mêmes, mais d'un site à l'autre, ça peut varier: 350 dollars à Gili T contre 280 dollars à Amed à Bali...
  • Plonger à Tulamben: Aqua Dive Paradise propose des chambres pas chères et loue des équipements de plongée en bon état, en plus d'être à quelques pas de l'épave du Liberty
  • Louer un scooter : 60 000 IDR à Tulamben contre 50 000 IDR par jour à Sanur et Ubud, (ben oui, "no competition here") 
  • Louer les services d'un chauffeur avec voiture: Dolong m'a emmenée de Tulamben à Ubud pour 350 000 IDR : sympa et communicatif en plus de rendre le trajet "safe and comfortable"


dimanche 8 décembre 2013

Indonésie - Des Gilis à Nusa Lembongan

On me l'avait prédit, il est arrivé: le blues du voyageur au long cours. J'en ai tant fait et tant vu dans les premiers mois que mi-novembre, je suis arrivée épuisée à Bali, sans aucune envie d'adresser la parole à mon voisin ni de découvrir un nouveau pays. La curiosité pour le monde et les autres cultures m'avait désertée. Une seule envie: rentrer chez moi, en Bretagne, me faire dorloter par ma famille, un bon repas le dimanche, un dîner de crêpes, l'océan, que demander de plus?... Arrivée là de mes rêveries, j'ai réalisé qu'un aller-retour pour la Bretagne dernière minute représentait financièrement presqu'un mois de voyage. Halte-là! Me suis-je dit, pas de décision hâtive. Après avoir traîné sur quelques blogs de voyageurs (c'est un mal plus répandu qu'on ne le croit), j'ai décidé de tenter un ensemble de remèdes : 

- m'offrir une belle chambre rien que pour moi: adieu dortoirs et couchsurfing ;
- avant toute chose, dormir (même si le muezzin et les coqs ont eu raison de mes grasses mat') ;
- ne RIEN faire (une île de 2 kilomètres sur 4 est parfaitement appropriée) ou à la rigueur, rejoindre la plage à vingt mètres du bungalow ;
- skyper pour la première fois en trois mois avec ma famille et mes amis proches ;
- et quand je le sentirai, commencer la plongée;
- dans l'idéal, sur une île sans véhicule motorisé.

C'est ainsi que je me suis retrouvée aux îles Gili, proches de Lombok :


Craignant de n'être entourée que de couples en lune de miel sur Gili Air et Gili Meno, plus calmes, j'ai rejoint Gili Trawangan, bien qu'elle soit réputée comme l'île de la fête et que se succèdent sur sa rue principale bars, cafés, bungalows et hôtels pour touristes sans liens avec le village. De fait, il m'a fallu une bonne semaine pour l'apprécier avec tous ses contrastes, mais il faut dire que, fidèle à mon programme, les premiers jours se sont passés entre mon bungalow et la plage. Après une bonne cure de sommeil, je suis redevenue un être sociable et j'ai découvert des voisins fort sympathiques, dont Birgit, de Munich, fidèle à Tanah Qita depuis cinq ans, qui témoignait de la multiplication des constructions touristiques ces dernières années, au détriment de la richesse de la vie sous-marine, tout en continuant à apprécier les lieux.

On plonge beaucoup aux Gilis et j'en ai profité pour passer mon Open Water, l'équivalent du niveau 1 français en plongée. Au programme: coraux, tortues (certaines nous rendaient visite chaque soir sur la plage), bancs de poissons multicolores, serpent de mer, requin de récif, poissons perroquets à bosse... Le son du muezzin plusieurs fois par jours m'est devenu familier, de même que la musique zen du salon de massage de la plage (un morceau en boucle toute la journée).


Au bout d'une semaine, j'étais suffisamment remise pour rejoindre le "sunset point" à l'autre bout de l'île et la beauté fantastique du coucher de soleil entre Lombok et Bali m'a éblouie. Une telle beauté est un vrai bonheur, elle vous réconcilie avec la vie : des couleurs flamboyantes, changeantes, se reflétant sur le mont Agun de Bali et sur les vagues, un spectacle qui, lorsqu'il cesse d'un côté de la mer, reprend de plus belle de l'autre. Après dix jours de ce régime, j'ai commencé à me sentir en vacances. Car il y a une vraie différence entre vacances et voyage.


     

  

Je ne sais, cependant, si je conseillerais Gili Trawangan. Si vous voulez faire la fête, tester les champignons magiques et que vous avez besoin d'animation, oui. Et sans aller jusqu'aux diverses méthodes hallucinogènes, commencer la soirée par un coucher de soleil splendide, une caïpirinha à la main, et la prolonger par un concert de reggae au sama sama après une journée de plongée, c'est bien sympathique. Mais si vous cherchez une vie locale, non. Si vous êtes choqué de voir des occidentales et des australiennes se promener en bikini dans les rues d'une île musulmane, quand bien même la plage est à deux mètres, et de constater que les sols sont jonchés d'ordures dès que vous quittez la zone touristique et rejoignez le village, non plus. La vie locale, ici, c'est celle des touristes et des gens de Lombok venus vendre leurs perles ou bosser dans le tourisme. Mieux vaut alors rejoindre Gili Air ou Gili Meno. 

J'ai finalement réussi à m'en arracher le 11ème jour pour voguer vers Nusa Lembongan, une île balinaise. Elle est reliée par un petit pont à Nusa Ceninda et proche d'une plus grande île, moins accessible, Nusa Penida. L'ensemble est réputé pour ses fonds marins. La plupart des habitants tirent leurs revenus de la culture des algues. Le tourisme s'y développe mais n'a pas encore dénaturé l'île. Après toutes ces nuits dans un bungalow luxueux, j'ai voulu aller au plus économique: 150 000 roupies le bungalow avec ventilateur (soit 10 euros) contre 250 000 ailleurs. Economique certes, mais fortement défraîchi et un "ami "cafard" dans la salle de bain, une piscine en construction et une terrasse plongée dans le noir faute de raccord à l'électricité à partir de 19 heures... Un conseil pour les petits budgets : cherchez une chambre chez l'habitant (mot magique: "homestay"). J'ai rencontré un breton (ils sont partout) qui s'est logé pour pas cher une dizaine de jours tout en apprenant l'indonésien avec la famille.

Toujours est-il qu'en une soirée sur cette île, beaucoup moins fréquentée, j'ai fait autant de rencontres marquantes qu'en dix jours à Trawangan. Trouver l'endroit qui vous sied n'est pas toujours aisé... J'ai réalisé un fantasme: plonger avec deux raies mantas, et j'ai découvert un poisson grenouille et des coraux superbes... La côte est plus découpée, les vagues s'écrasent contre les falaises, la mer est turquoise par endroits, les fonds marins sont riches, l'île de Nusa Penida, sur laquelle je n'ai pas abordé mais que j'ai observée de la mer, semble à l'écart du temps, couverte d'une végétation dense. Des pêcheurs jettent leur ligne du haut d'une vingtaine de mètres et la jungle semble la recouvrir... Des îles séduisantes, même en coup de vent. 

vendredi 15 novembre 2013

Transition

C'est une nouvelle étape du voyage qui s'ouvre ce soir. Après avoir traversé la Russie, la Mongolie et la Chine en train puis rejoint la Corée du Sud et le Japon en ferry, je m'envole pour Bali. 

Dernière journée à Tokyo, donc, parfois étourdissante lorsque toutes sortes d'impressions vous assaillent simultanément (sons, mouvements, foule, néons, lumières, buildings...). Il y aurait beaucoup à en dire, mais je me sens déjà en partance pour un autre lieu. Ayant visité de nombreux temples à Kyoto, je me suis concentrée sur la partie moderne de Tokyo, les gratte ciels et tout ce qui pouvait m'étonner (le quartier électronique et ses "french maid", les salles de jeux assourdissantes, les boutiques de Harakuja, Shibuya et la faune qui y déambule, la culture ado, celle des mangas...). Si je vivais ici, je deviendrais vite accro au shopping. J'ai été réveillée à 7 heures 30 dimanche dernier en sentant le sol bouger: j'ai ouvert les yeux, les murs aussi bougeaient. Vivre un et même deux tremblements de terre au Japon: checked

Aujourd'hui, c'est repos et préparation de la suite. Prochain pays: l'Indonésie. Je quitte une île pour une autre, des températures qui ont chuté à moins de dix degrés en une semaine pour un climat tropical. L'automne et les feuilles rouges, c'est sympa, mais l'hiver approchant, il est temps de se mettre au chaud. Prochaines news d'Asie du Sud-Est!

jeudi 14 novembre 2013

Un peu de poésie






"Sur l'éventail
Je mets le vent venant du mont Fuji.
Voilà le souvenir d'Edo*"



*Edo: ancien nom de Tokyo

Matsuo Basho, l'un des maîtres du Haïku (17ème siècle), est le premier que mon hôte japonais m'ait cité. Ce dernier l'appréciait autant pour sa poésie que pour sa vie et ses journaux de voyage (et oui, c'était aussi un voyageur). Ils laissent une grande place à l'interprétation du lecteur, ce qui donne des traductions multiples...

D'autres petits plaisirs: 

"Au printemps qui s'en va
les oiseaux crient
les yeux des poissons en larmes"

"Nuit d'été
le bruit de mes socques
fait vibrer le silence"







mardi 12 novembre 2013

Japon - Kyoto, ses temples (et ses bars)

Ah, Kyoto, ses innombrables temples shinto, zen, bouddhistes..., ses maisons de thé, son château de Shogun, ses montagnes, ses vallées, ses jardins, ses geishas d'un jour (pour 10 000 yens, vous pouvez vous déguiser pour une séance photo) et de toujours (il en resterait une centaine à Kyoto et un millier au Japon)...




J'y ai découvert un Japon raffiné et élégant et des temples légers invitant à la méditation. En m'enfonçant dans la forêt derrière l'un d'eux, je suis tombée, au détour d'un chemin, sur un moine psalmodiant une longue prière près d'une source. Dans un sanctuaire entre Kibune et Kumara, deux vallées rurales au Nord de Kyoto, une femme priait avec ferveur, lisant ce qui semblait être des sutras, avant d'esquisser un cercle les deux mains jointes autour d'elle. Cette litanie s'est close par un double claquement des mains marquant le retour à la réalité.




J'ai aussi rarement vu tant de superstitions réunies dans un seul lieu : il y a des temples pour tout. Jetez une pièce (le prix est indiqué), faites une prière, sonnez le gong puis claquez deux fois dans les mains et le tour est joué. "500 yen pour réaliser son voeu, c'est pas cher payé!" m'a déclaré une brésilienne d'origine japonaise (entre 3 et 4 euros, quand même...). On peut acheter des grigris, des talismans et au temple de l'eau, interroger sa chance sur une feuille dont les mots ne se révèlent que trempés dans la source. Bref, à la fois spirituel et trivial, intrigant et étranger. 




Après plusieurs soirées tranquilles à la CS House de Shoji, ma colocataire russe et moi-même avons décidé de fêter dignement notre dernière soirée à Kyoto en partant à la découverte de ses bars. Nous nous étions donné rendez-vous à la sortie 1 de la station Sanjo-Keihan. Visiblement, il y a plusieurs sorties 1, puisqu'on ne s'est jamais trouvées (aux mauvais esprits, je précise que je n'avais encore rien bu). Décidée à profiter malgré tout de la soirée, je suis partie à la recherche d'un lieu convivial. Premier essai: un pub dans lequel six expatriés et un japonais épongeaient leur solitude, gardés par deux fumeuses au regard hostile... Je me suis aussitôt échappée de cet enfer pour rejoindre un petit restaurant typiquement japonais, à deux pas. Les plats étaient fort heureusement disposés sur le comptoir de bois derrière lequel s'affairaient les cuisiniers et les serveurs, ce qui a facilité la commande puisqu'il n'existait pas de menu anglais. 

Alors que je m'apprêtais à me verser une bière, mon voisin japonais m'a interrompue par de grands gestes et son ami m'a expliqué qu'au Japon, la coutume voulait qu'un autre convive remplisse votre verre. Ils m'ont donc servi ma propre bière et c'est ainsi que j'ai fait la connaissance d'un australien et de son maître de Chanbara (un sport assez confidentiel, me semble-t-il). Après quelques verres de saké, le maître était d'humeur joyeuse:

- lui: "you are a high level person, I can see that!
- l'australien: "hier, il disait déjà ça... Ne fais pas attention, il ne tient pas l'alcool
- moi, ignorant cette dernière remarque (ça fait toujours plaisir qu'un inconnu vous affirme que vous êtes géniale): "arigato gosaimaaaas..." (merci). 

Et de tenter de m'expliquer des concepts japonais avec trois mots d'anglais... 

Le maître m'a invitée à poursuivre la soirée avec eux dans un bar de Kyoto et si je vous en parle, c'est parce que je n'en ai encore jamais vu de tels : minuscule, dissimulé au fond d'une allée étroite, derrière une porte sombre, fait d'une seule pièce remplie d'une belle table noire en bois, au centre de laquelle officiait le barman, plongé dans une lumière tamisée. Pas de carte, la commande se débat directement. Un lieu idéal pour conclure une affaire secrète entre initiés... Si vous passez par Kyoto et voulez faire l'expérience d'un bar typique de cette ville, cherchez l'enseigne suivante:



et vous aurez peut-être vous aussi l'impression de rentrer dans les secrets de la ville. 



Et pour ceux qui s'intéressent aux samourails, des conseils de lecture d'un australien versé dans la pratique des arts martiaux: the unfettered mind, the book of five rings, the living sword. Le maître m'a laissé sa carte en partant, m'invitant à venir apprendre le chanbara l'année prochaine. S'il y en a que ça tente...

dimanche 10 novembre 2013

Japon - Premiers jours: Hiroshima et Miyajima

En débarquant à Fukuoka voici quinze jours, mon objectif était de rejoindre Hiroshima. Certains amis apprécieraient ici une référence littéraire. Hélas, pauvre de moi, le seul titre qui me vient à l'esprit est "Hiroshima mon amour" et c'est un film d'Alain Resnais que je n'ai jamais vu. En revanche, je me souviens très bien d'une scène d'un roman pour adolescents qui relatait l'épisode de la première bombe atomique lâchée sur le Japon, un 6 août 1945, à 8 heures 15, à Hiroshima. D'avoir lu le récit d'une jeune fille qui cherchait, hagarde, à retrouver ses proches et dont la peau fondait (il y a de ces détails qu'il faudrait bannir des romans pour ados). Ajoutons à cela les longues heures consacrées à la deuxième guerre mondiale à l'école et on comprendra que le mémorial pour la paix constituait un passage obligé. J'y ai appris peu de choses, mais il a le mérite d'exister et de promouvoir un message pacifique : il rappelle le contexte, les faits et rapporte les témoignages des survivants, en appelant à bannir les armes nucléaires de cette planète. Depuis des années, le maire d'Hiroshima envoie systématiquement un courrier de protestation aux pays qui réalisent des essais nucléaires, leur rappelant qu'ils font ainsi peser une menace d'anéantissement sur l'espèce humaine (que pèse la voix du maire d'Hiroshima face aux intérêts nationaux?). Pas bien gai, tout ça, me direz-vous...

Hiroshima est aujourd'hui une petite ville plaisante, avec des rues commerçantes et animées. Proche de la mer, elle est aussi l'occasion d'une excursion à Myajima, une île sacrée et sa fameuse porte (torii) les pieds dans l'eau. Je vous laisse sur quelques photos de cette île dont le temple Shintoïste, les montagnes et la porte ont traversé les siècles. J'y ai même croisé un bouddha rasta (je cherche toujours à comprendre pourquoi les statues ont une serviette autour du cou et un bonnet... Le shintoïsme reste un mystère pour moi).  





 



lundi 4 novembre 2013

En passant

Pas de doute, je suis au Japon. Je vous laisse deviner la ville (indice: le couple sur la droite).


mercredi 30 octobre 2013

Au pays du matin calme

Magie des retards de publication ! Je vous ai laissés il y a quelques jours sur mon départ de Chine et voilà que deux semaines déjà se sont écoulées depuis mon arrivée en Corée.


Le but principal de ce séjour était de rendre visite à Eva et Mason et à leur petite Sasha âgée de quatre mois (succès garanti auprès des grands-parents coréens qui n'hésitent pas à s'en saisir après quelques sourires). De faire une pause sur la route, aussi. Avec eux, j'ai découvert la gastronomie coréenne qui m'a paru bien raffinée après deux mois de voyage en Russie, en Mongolie et en Chine, les salons de thé dans des habitations traditionnelles, le karaoké (quel dommage que ces petites salles privatives ne soient pas plus répandues en France) et le jimjilbang (ah, les bains coréens... hyper relaxant... on peut même y dormir).



 J'ai beaucoup appris en écoutant Eva et Mason sur la Corée et ses habitants (message aux amis : venez les voir!). Ils m'avaient prévenu que le pays n'était pas spectaculaire et l'un de leurs amis me l'a même présenté comme un pays fantasmé. En étant mieux disposé, on pourrait dire que ses habitants savent le mettre en valeur et en vanter les mérites : « le plus grand spa d'Asie du Sud-Est », « le marché aux poissons mondialement connu » (celui de Jagalchi, à Busan, pour ceux qui auraient un doute), « le champ de fleurs où viennent se faire photographier des couples du monde entier » à Gyeongju...). Et le moins qu'on puisse dire est qu'ils ont le sens de la mise en scène : parfois, c'est poétique, comme l'Anaji pond à Geyongju, certaines fois, c'est drôle, d'autres encore, c'est politique. 

De ce point de vue, une visite au mémorial de la guerre à Séoul m'a confirmé que le pays était encore en guerre techniquement (seul un cessez-le-feu a été signé avec la Corée du Nord dans les années 50) : l'ambition affichée du musée était de « stimuler l'esprit patriotique et militariste » des visiteurs (j'ai tenté d'imaginer l'effet d'une telle déclaration dans un musée français). Ceci dit, en visitant la DMZ (zone démilitarisée qui sépare la Corée du Sud de la Corée du Nord), on hésite entre réalité et parc d'attraction.




Est-elle vraiment dangereuse cette zone ? Les visiteurs du Sud et du Nord s'observent réciproquement, les soldats Sud-Coréens posent en posture de taekwondo et les touristes se font photographier à leurs côtés avant de passer au magasin de souvenirs. La guide nous a fait signer une déclaration selon laquelle nous étions conscients du danger et observerions des règles de sécurité tout en nous disant de ne pas perdre de temps à la lire et qu'elle nous la rendrait ensuite en souvenir. Pour autant, c'est un endroit à voir. Observer la Corée du Nord, de l'autre côté de la DMZ, est assez impressionnant, tant ce pays reste à part et fermé. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande deux lectures : Le visiteur du Sud, une BD de Oh Yeong Jin, et Rescapé du camp 14, de Blaine Harden, qui raconte la vie de Shin Dong-Hyuk.

Pour finir, la Corée, c'est aussi et surtout des petites et moyennes montagnes dont les couleurs en automne peuvent être superbes et qui vous offrent des paysages typiques de l'Asie (bien agréable à condition de supporter les troupeaux de randonneurs fashion et d'éviter les barbecues coréens pas assez cuits la veille d'une grande rando). J'ai conclu mon séjour par la découverte d'un site historique, celui de Geyongju, qui fut la capitale du royaume millénaire de Silla, auquel succéda Goryo (d'où « Corée »). Et j'ai largué les amarres à Busan pour rejoindre Fukuoka.

Me voici donc au Japon ! Ce qui me semble assez extraordinaire. La suite au prochain épisode. 

vendredi 25 octobre 2013

Ballades dans le Shandong

Pour conclure cette première rencontre avec la Chine, j'ai rejoint Qingdao en passant par Qufu, la ville natale de Confucius, et le Tai Shan, l'une des montagnes les plus sacrées de Chine. Toutes deux se situent dans le Shandong, une province au Sud-Est de Pékin. Ce n'est sans doute pas une priorité pour un premier voyage en Chine, mais mon but était de rejoindre un port où embarquer pour la Corée du Sud. 



La première témoigne de l'importance qu'ont accordé les dynasties Ming et Qing au confucianisme. On y trouve un ensemble de temples construits par les empereurs successifs, ainsi que la demeure des descendants de Confucius, devenus une famille aristocratique puissante jusqu'en 1945, où l'héritier a fui pour Taiwan. Le plus agréable était la ballade dans le cimetière qui abriterait la tombe de Confucius et celle de ses descendants : presque personne, à l'ombre des arbres, des tumulus, une lumière douce et des sculptures vieilles de plusieurs siècles.



Le second, le Tai Shan, s'élève à 1545 mètres d'altitude et fait partie des cinq montagnes sacrées de Chine. C'est un lieu de pèlerinage depuis près de trois mille ans, où les empereurs Chinois rendaient grâce au ciel et à la terre.

Pour atteindre le sommet, plus de 6000 marches sont à gravir (m'est avis que les empereurs se faisaient porter).

Sur le chemin, des inscriptions gravées dans la roche, au sommet, des temples et pour les courageux qui ont fait l'ascension de nuit (j'aime trop dormir), un lever de soleil.

Il paraîtrait qu'après l'avoir gravi, on vivrait cent ans. J'espère bien, parce que mes mollets s'en sont ressentis pendant une bonne semaine!


Après ça, je suis partie me reposer à Qingdao, ville portuaire sous domination allemande pendant un temps, ce qui explique une architecture bavaroise au milieu de barres d'immeubles et la survivance d'églises devant lesquelles les jeunes mariés se font photographier, même si les chrétiens sont minoritaires. Dans les stands de rue, les brochettes laissent place aux étoiles de mer, coquillages et poissons séchés. Les quelques plages attirent les baigneurs et les amateurs de pêche à pied (j'ai beaucoup pensé à Noirmoutier devant certaines images à marée basse). Pour les amateurs de bière, c'est dans cette ville qu'a été brassée la Tsingtao. On y trouve aussi du thé vert du Lao Shan, une montagne voisine.

C'est de là que j'ai pris la mer pour rejoindre la Corée, quittant la Chine sur un superbe coucher de soleil. Encore une fois, en me disant qu'il me faudrait revenir car il me reste le Sud et l'Ouest de la Chine à explorer, où les paysages, paraît-il, sont superbes. Rejoindre le Tibet et le Népal en partant de Hong-Kong ou Shanghai... A ce rythme, sept mois ne suffiront pas!




mercredi 23 octobre 2013

Conversation à bord d'un train

On m'avait raconté que les Chinois pour lesquels vous restez un anonyme parmi d’autres peuvent être assez rudes : ils n’hésiteront pas à vous doubler dans les files d’attente, à vous bousculer, à vous prendre de vitesse pour s’asseoir sur le siège que vous convoitiez (ceci dit, c'est aussi un sport parisien) et à vous donner une réponse, n’importe laquelle, pour ne pas perdre la face si vous demandez un renseignement, même s’ils n’en savent rien. 

Mais une fois que vous avez sympathisé avec des Chinois, ils se feront un devoir de vous aider à apprécier leur pays et à arriver à bon port, vous laisseront leur numéro de téléphone si jamais vous avez besoin d’aide, voire chercheront à vous offrir un cadeau, ce qui ne manquera pas de vous gêner, et s'excuseront s'ils n'en trouvent pas… D’autres vous souhaiteront la bienvenue pour votre premier séjour, comme ça m'est arrivé à bord du train pour Qingdao. 

J'y ai rencontré un jeune chinois de 23 ans, qui m'a donné son nom anglais, Allen. Il a engagé la conversation, encouragé par l'exemple de son voisin venu passer le temps et pratiquer son anglais avec moi. Nous avons discuté de nombreux sujets, mais je ne suis pas certaine que nous nous soyons toujours compris. A l’instant où je m’y attendais le moins, il s’est écrié, offusqué : « What ?! I don’t want you to think that I am not a kind Chinese ! ». N'ayant aucune idée de ce que j'avais pu dire pour provoquer une telle réaction, je me suis empressée de le détromper. Des différences culturelles et des méprises linguistiques...

Il me parlait de ses plans d'avenir : à mon âge, il aimerait gagner 20 000 dollars par mois pour pouvoir entretenir une famille de trois enfants. La politique de l'enfant unique étant encore en vigueur, il devra s'acquitter auprès des autorités d'une somme rondelette de 10 000 dollars pour le deuxième enfant et de 15 000 dollars pour le troisième. Imaginez sa réaction lorsque je lui ai appris que le gouvernement français versait des allocations (certes moins élevées) aux familles nombreuses... 

Il a ensuite insisté pour me montrer le front de mer (à vrai dire, j'avais surtout hâte de poser mon sac à l'hôtel) et négocier un taxi rouge (j'ai découvert ensuite que les taxis verts ont des compteurs qui rendent toute négociation inutile pour un prix moins élevé) en s'assurant qu'il me déposerait au bon endroit. Appréciable, certes, fatigant également, mais comment refuser l'aide qu'on vous propose?

De cette rencontre sympathique, m'est resté un certain sentiment d'étrangeté...


C’est vous qui êtes différent, tenez-le vous pour dit

En Chine, soit on vous ignore totalement, soit vous devenez une curiosité vivante.

Ça a commencé sur l’île d’Olkhon, sur le lac Baïkal, en Russie : alors que je commençais à marmonner contre l’arrivée d’un groupe de Chinois qui n’allaient pas manquer de prendre de multiples photographies devant le paysage que je souhaitais sauvage, deux d’entre eux sont venus vers moi et m’ont demandé, dans un français parfait et avec une exquise politesse, si je venais de Paris et s’ils pouvaient prendre une photo avec moi. Ma mauvaise humeur était bien attrapée…

Sur les rives du lac du palais d’été, à Pékin, deux jeunes étudiants Chinois qui profitaient des vacances nationales pour découvrir leur capitale ont tenté une conversation. Mon chinois étant encore plus limité que leur anglais, nous nous sommes quittés sur une photo.

On m'a aussi photographiée plus ou moins discrètement devant une assiette de fruits de mer à Qingdao ; j’ai donc décidé de faire de même et suis allée poser aux côtés de cette famille. La grand-mère m’a alors gratifiée d'une chaleureuse accolade. Sourires et curiosité partagés... 

C'est parfois aussi moins agréable : en descendant du Tai Shan, un homme qui venait de m’apercevoir a couru vers ses amis qu’il a touchés du bout de sa canne pour me montrer du doigt... Votre présente est étonnante, voire détonne. Si vous êtes là, c'est que vous avez une bonne raison (le travail, des amis...) ou un guide et un interprète avec vous. mais seule? 

Ceci dit, moi qui craignais l’impossibilité de communiquer en Chine (je ne vous dis pas les progrès que j'ai fait en charade et en mime), j’ai aussi rencontré beaucoup de chinois prêts à m’aider, d’autres, partants pour une conversation dans un train dès lors qu’ils maîtrisaient un peu d’anglais. Essayez de parler Chinois sans avoir vécu en Chine et vous comprendrez l’effort qu’ils doivent fournir…

mercredi 16 octobre 2013

Un 1er octobre en Chine


Le 1er octobre, j’étais en Chine, à Pékin. Ce n’est qu’en juillet dernier que j’ai appris que ce jour-là, c’était la fête nationale, et qu’à cette occasion, tous les Chinois disposaient d’une semaine de vacances et se mettaient en route. Imaginez des millions de Chinois partir à la découverte de leur pays… et vous ! Sur le coup, j’ai flippé, car ça donne à peu près ça :




La date du grand départ étant déjà fixée, je me suis arrangée pour arriver à Pékin trois jours avant, histoire d'avoir le temps de marcher sur la fameuse muraille et de visiter la cité interdite avant le grand débarquement. Si je me retrouvais coincée quelque part, mieux valait que ce soit dans une grande ville. 


En bonne française habituée aux marches triomphales du 14 juillet (qu’il ne me viendrait jamais à l’idée d’aller voir en France), aux bals des pompiers (tenté pour la première fois cette année, assez sympathique) et aux feux d’artifice (ça par contre, je ne m’en lasse pas), je m’attendais à ce qu’un régime comme celui de la Chine organise des célébrations dignes de l’événement. 

Et bien pas du tout. Le seul fait marquant semble avoir été le lever de drapeau (trop tôt pour moi) et l'installation d'un gigantesque pot de fleurs sur la place Tian An Men (quoi de plus inoffensif?...), rivalisant avec le portrait de Mao. Deux Chinois ont bien tenté de lancer des fusées, mais ils se sont fait arrêter manu militari par la police. Apparemment, des parades sont organisées tous les cinq ou dix ans. La France est bien plus assidue en la matière...




mardi 15 octobre 2013

Et bien finalement, la Chine...

La Chine fascine et intrigue autant qu’elle suscite le rejet. Il y a d’un côté une civilisation d'une grande richesse, de l’autre, le « made in china », la foule, l'étrangeté... Je me rangeais parmi ceux que ce pays n’attire pas, craignant l’incommunicabilité et certaine de ne jamais me faire à cette habitude de se racler la gorge grassement avant de cracher. Sur ce dernier point, je n’avais pas tort : on a eu beau m’expliquer que la médecine chinoise recommande de débarrasser son corps des impuretés, je n’arrive pas à m’y habituer. Heureusement, sur la route, j’ai rencontré des chinois anglophones qui se sont avérés fort sympathiques, l’idéal pour assurer la transition, et contrairement à toute attente, j'y serais volontiers restée plus longtemps. 


Le premier jour, je me suis rendue au monastère suspendu situé dans les environs de Datong. L’occasion de prendre une belle photo et de rire devant un panneau « be polite and friendly ». J’ai moins ri lorsque j’ai pris le bus pour rejoindre les grottes bouddhistes de Datong : lorsque les portes se sont ouvertes, les personnes qui attendaient patiemment s’y sont ruées, se bousculant sans merci pour atteindre les places assises ; dans cette empoignade, je me suis retrouvée éjectée de la file d’attente sans avoir eu le temps de comprendre ce qui m’arrivait. Sinon, les grottes valent le détour.

J’ai ensuite rejoint Pékin, une ville à laquelle on peut facilement consacrer une semaine. Ça tombait bien, puisqu’en cette période de fête nationale, ce n’était même pas la peine de penser trouver une place dans un train. J’ai été séduite par cette ville dans laquelle les hutongs et les temples côtoient la modernité du métro, des buildings et des grandes avenues. Les cyclos roulent à côté des voitures et les stands de rue et les petits métiers restent nombreux. La cité interdite est réellement fascinante et la ballade sur la grande muraille, un incontournable (pour ma part, de Jinshanling à Simataï). Pour les amateurs d'art, il y a le quartier 798, même si les boutiques y sont aussi nombreuses que les galeries (j'imagine que l'avant-garde artistique s'est déplacée vers d'autres lieux), et pour les antiquités, des marchés comme celui de Panjiayuan. Les parcs m'ont aussi beaucoup séduite, lorsqu'au détour d'une allée, je tombais sur des joueurs de cartes ou de saxo, des danseurs tout en légèreté et des sportifs.


Avec davantage de ciel bleu (plutôt que de brume et de pollution) et moins de monde (je vous laisse découvrir le flot humain du palais d’été), ç’aurait été encore mieux !

Je vous laisse découvrir les photos, elles vous en parleront mieux que moi.

dimanche 13 octobre 2013

Un week-end dans le quartier des yourtes d'Oulan-Bator (septembre 2013)



Pour mon premier jour de voyageuse solo, en cette fin septembre, j’avais décidé de faire du couchsurfing dans le quartier des yourtes d’Oulan Bator. Mon hôte m'avait transmis un plan détaillé : bien fermer mon sac pour ne pas tenter les pickpockets dans le bus bondé, compter neuf arrêts, descendre après une station essence orange, emprunter un chemin en pente raide à droite d’une cheminée blanche, franchir la porte en bois près de la maison à étages…

Descendue au bon arrêt, j’étais contente de moi jusqu’à ce qu’un ivrogne m’aperçoive. C’est donc en étant suivie de cet indélicat dont l’anglais se résumait à " hello kiss kiss " que j’ai pénétré sur le terrain de Begzsuren et sa famille. Mon hôte a dû mettre cet individu dehors par la force, en lui arrachant la pierre dont il s’était saisi pour protester.  " Usually, I don’t host women who are travelling alone, to avoid problems for everyone ", m'a-t-il dit. Well… " But I accepted your request because I am hosting Maxime, a French guy. Maybe you could travel together? " Il se trouve que Maxime avait décidé de partir le lendemain vers l’Ouest dont je revenais tout juste. Belle intention, mauvais timing !

Pour vous dépeindre l'endroit, il faut savoir que le centre d’Oulan Bator est relativement petit, mais qu’autour, s’étendent de nombreux quartiers qui semblent être sortis du sol dans l’anarchie la plus totale. Des cabanes en bois, des maisons de briques et de nombreuses yourtes dressées par les nouveaux citadins venus de la campagne à la recherche d’un travail. Pas d’eau courante, mais des citernes où les habitants viennent se ravitailler, des terrains de terre battue, des décharges improvisées à ciel ouvert, quelques chiens errants… D’un coup, je me suis demandée ce qui m’avait pris. 

J'ai mis peu de temps à m’en rappeler face au sourire retrouvé de mon hôte une fois l’affaire réglée et au verre de lait frais offert par sa femme en guise d’accueil. Trouver un couchsurfer anglophone dans le quartier des yourtes qui ouvre sa porte au monde entier pour partager sa vie, sa culture et sa connaissance de la Mongolie, comment passer à côté d’une telle rencontre ? 

Le jour suivant, je me suis rendue au centre-ville pour visiter le musée des victimes de la répression soviétique (à nouveau fermé, ce n’était que la deuxième tentative) en affrontant un air surchargé de gaz d’échappement et des bus bondés. En revenant chez Begz et sa famille, j’ai eu le sentiment de rejoindre un havre de paix, heureuse de retrouver cet endroit où l’on respirait beaucoup mieux, d’entendre à nouveau les rires de leurs filles de 6 et 8 ans et la musique de leur fils aîné, doté d’un talent évident pour la guitare, le clavier et le fiddle horse.

Le contraste entre ce quartier, le mode de vie traditionnel des nomades et la présence d’un écran plat et d’une connexion Internet dans la yourte est peut-être ce qui m’a le plus surprise en arrivant. Je dois être la 202ème « couchsurfeuse » accueillie par Begz depuis 2008. La nuit, les couchsurfers dorment dans la grande yourte sur un matelas à même le sol, comme Begz et sa femme, tandis que les quatre enfants dorment dans la petite yourte. Le matin, la grande yourte se transforme en club de nutrition puis en pièce à vivre. Tous leurs enfants parlent un minimum d’anglais. Il y a de la joie, de l’amour, une conscience environnementale, de la curiosité et une belle énergie.

Et de l’énergie, il en faut pour vivre ici comme ils le font ! Dans cette famille, la vie est bien réglée et le terrain organisé. Tous, couchsurfers compris, se lèvent à 6 heures. La journée commence par la traite des vaches, puis il faut emmener les veaux à la pâture. Animer le club de nutrition, aller chercher de l’eau, préparer le repas puis la yourte pour affronter la rigueur de l’hiver… Le dimanche, Begz n’a pas arrêté de la journée : la température avait chuté brutalement de 18 à 5 degrés en 24 heures, voire -5 degrés, avec vent et neige. Il fallait faire livrer le charbon, charger le poêle, remblayer le pourtour de la yourte pour éviter que le vent ne passe sous la toile, isoler la porte…  

Cette vie, c'est en partie un choix. Il y a quelques années, ils ont décidé de devenir végétariens et ont acquis une première vache pour le lait, les yaourts (délicieux), le beurre, le combustible des poëles (la bouse de vache séchée)... Ils tentent de vivre de manière écologique en ville, ce qui n'est pas un mince exploit à Oulan-Bator, et espèrent transmettre ces principes à leurs enfants. Sur le terrain acquis à l'issue de ses études, Begz avait commencé par construire une maison en bois. Après avoir reçu un couple de français qui vivaient dans une yourte en Bretagne, la famille a décidé de revenir à un habitat plus traditionnel. La vie prend parfois des chemins détournés...

Avec eux, j’ai appris à traire une vache (enfin, à tirer sur un pis), à emmener les veaux au pré, à préparer du beurre, à cuisiner une soupe traditionnelle de légumes et de mouton, à aller chercher les vaches car une fois lâchées, encore faut-il les retrouver (dans la vallée, près de la rivière, dans la montagne ?...), à les ramener (enfin, ce sont elles qui m'ont ramenée et m'ont fait traverser la route)… Au-delà de ça, j’ai le sentiment d’avoir beaucoup reçu à leurs côtés, ne serait-ce que par le simple fait de partager ces quelques jours avec eux. Je reste marquée par leur dynamisme, leur ouverture, leur sens de l’hospitalité et la vie qu’ils se créent dans cet environnement rugueux pour une occidentale. Simplicité, optimisme, joie de vivre, générosité et ouverture sur le monde, de bons principes, non ? Pour conclure, « be happy and don’t worry ! ».