mercredi 11 juin 2014

Le voyage continue

Me voici de retour à Paname à l'issue d'un voyage de neuf mois qui m'a menée jusqu'en Nouvelle-Zélande, vers une période de légèreté et de bonheur inattendue.

Par où commencer? D'abord, un grand merci à ma famille (notamment, de m'avoir supporté dans tous les sens du terme avant le départ!), aux amis pour leur soutien, à tous ceux qui m'ont suivie et laissé des petits mots, à Trid pour ses nombreux conseils envoyés depuis son périple en Afrique, ainsi qu'à toutes les personnes rencontrées sur la route, à celles qui m'ont accueillie et à mes compagnons de voyage.

Ensuite, je n'allais pas vous laisser sur cette histoire de taxi. Elle aura au moins eu le mérite de faire rire une amie! Et comme l'a souligné une autre personne, il y a aussi des gens sympas en France. Voici donc un petit bilan pas très pratique, mais très sincère.

*

Je suis partie en quête du monde, de rencontres, de beauté et de moi-même. Avec une soif de découverte que je pensais inextinguible. De Saint-Pétersbourg à Tokyo par voie terrestre et maritime, j'ai commencé à en éprouver toute la diversité et je m'en suis enivrée. Au point d'avoir la gueule de bois au Japon ; je me souviens avoir pensé: "je suis au pays du soleil levant. Certes... Et alors?". Au rythme trop rapide d'une traversée pourtant voulue, tout commençait à se valoir. J'ai ralenti et me suis échouée par erreur à Bali, où le blues m'a saisie, plongeant ses racines dans la fatigue accumulée. Je ne regrette rien: ça fait partie du voyage.

J'ai dormi. J'ai fait de nouvelles rencontres. J'ai exploré de nouveaux mondes, ceux des fonds marins et de l'esprit. Jusqu'à ressentir à nouveau, progressivement, l'envie d'aller de l'avant. J'ai repris ma route, doucement, au hasard de mes envies, d'une phrase, d'une réservation d'avion qui n'aboutit pas et vous mène ailleurs, de l'Indonésie à la Nouvelle-Zélande, en passant par Kuala Lumpur et le Cambodge.

Et tout est allé crescendo. Depuis le début de l'année 2014, j'ai éprouvé un sentiment de reconnaissance quasi quotidien. Devant la beauté de la nature, après une rencontre de hasard, une idée saisie au vol, face à la gentillesse d'un étranger, au partage, à la complicité et à la créativité nées de la rencontre de personnes qui se connaissaient à peine quelques jours auparavant... Cette chance, je me la suis donnée, mais je me suis souvent sentie privilégiée de faire l'expérience d'une telle liberté.

La première question que l'on me pose est "alors, le retour, pas trop dur?". Il y en a pourtant tellement d'autres... Alors non, le retour n'est pas dur, sincèrement. Il implique bien quelques petits arrangements et je me demande combien de temps ça va durer, mais je suis heureuse et j'ai bien l'intention d'entretenir cette lumière. On me sourie même spontanément dans les rues de Paris, c'est dire!

Car j'étais prête à rentrer, avec l'envie et le besoin de revoir mes proches.

Parce que j'ai réalisé l'un de mes rêves.

Et parce que ce voyage, il est aussi intérieur. Il  m'a mené vers la légèreté, la joie et la confiance, de la voix de la raison à celle du cœur, à l'écoute de mon instinct, et il continue à me porter vers l'autre, à la découverte du monde. C'est aussi un état d'esprit. On revient avec un autre regard.

Pour moi, le voyage est donc loin d'être fini: c'est un nouveau départ.

dimanche 1 juin 2014

Bienvenue en France!

Samedi 17 mai 2014, Melbourne, 23 heures. L'avion prend son élan sur le tarmac et décolle dans la nuit australienne. 14 heures de vol plus tard, du zapping entre des dizaines de films, la tête qui tombe de sommeil, me voici à Doha, au Qatar, entre mer et désert. S'ensuivent 8 heures d'attente dans un aéroport peuplé d'émirs, d'indiens et de voyageurs de différents coins du monde...Dimanche 18 mai, Doha, 14 heures, l'avion prend son élan sur le tarmac et décolle dans la chaleur écrasante du désert. 7 heures de vol plus tard, j'atterris à Charles de Gaulle, à Paris. 

Il fait beau, l'air est léger. 
C'est aussi le cœur léger que je pose le pied en France, le sourire aux lèvres. 
Je suis bien.

Ça, c'était jusqu'à ce que je renoue avec les chauffeurs de taxi parisiens...

*

"Tu verras, c'est pas loin, prends le taxi!" m'avait dit mon ami. Insouciante, je lui fais confiance, oubliant qu'il ne conduit jamais. J'évite les "taxis, taxis!" murmurés sous le manteau à l'arrivée (visiblement, les taxis officieux ne sont pas l'apanage des pays asiatiques) pour rejoindre la file d'attente des taxis officiels. 

Un homme élégant dans la force de l'âge m'ouvre la porte de son carrosse.
Moi: "Je vais à Domont, vous connaissez?"
Lui: "Si je connais?! Ça fait 39 ans que je fais ce métier, Mademoiselle! On prend l'A85 et l'A15, vous êtes d'accord?"
... 
Après neuf mois de vadrouille autour du monde, j'avoue que le sujet m'échappe un peu. 
Moi: "Je vous fais confiance. Mon ami m'a dit que ce n'était pas loin".
Lui: "Pas loin, pas loin... C'est quand même dans le Val d'Oise!"
Une légère alarme s'allume dans la nébuleuse de mes souvenirs sans pour autant parvenir à percer la brume épaisse qui recouvre mon passé parisien. Je décide de lui faire confiance.

Nous quittons l'aéroport, prenons la route et le compteur monte rapidement... 

Moi: "Vous êtes sûr de vous? Parce qu'il m'a vraiment dit que ce n'était pas loin".
Lui: "Mais oui. D'ailleurs, il y a l'usine Singer à Domont, vous êtes d'accord?"
Moi: "euh.... si vous le dites".

Soudain, après une heure de route et à la faveur d'une sortie, le panneau "Ermont" apparaît devant nous. Silence consterné... 
Lui: "J'ai confondu Ermont et Domont ! Je suis navré! Je m'en veux, si vous saviez!"
Moi, bonne âme: "C'est pas grave, ça arrive. Du moment qu'on finit par rejoindre Domont..."

Me voici saisie d'un doute : c'est bien d'être compréhensive, il a l'air de sincèrement s'en vouloir et ce n'est pas donné à tout le monde de voir le coucher de soleil sur Paris, comme il le souligne lui-même, mais après trente heures de voyage et douze heures de décalage horaire, j'aurais préféré voir le sourire de mon ami plutôt que la lumière du couchant sur la tour Eiffel. Je commence à lui en vouloir...

Le silence se fait. 1 heure 45 plus tard (au lieu de 30 minutes), nous arrivons à bon port. Et si nous arrivons à bon port, c'est parce que je sais lire un plan (on lui a volé son GPS, à mon chauffeur de taxi). Une dame blonde nous fait signe: "Anne, c'est ça? C'est ici. Votre ami est à l'hôpital mais vous pouvez entrer". A l'hôpital?! "Oui, il est parti il y a dix minutes"...

Il me faut d'abord régler la course. N'ayant pas demandé à passer autant de temps dans son taxi, aussi confortable soit-il, je décide de négocier. Habituée à l'Asie où l'on commence bas pour trouver un compromis, je lance: "A votre place, je ferais un geste commercial. Je crois même que j'offrirais la course". Moins habitué à l'Asie, mon chauffeur de taxi, se méprenant sur mon intention, se transforme, tel Hulk : adieu, échanges sympathiques et anodins, bonjour, intimidation verbale et physique. Il hausse le ton : "vous allez me payer 40 euros, point! Déjà que je vous fais grâce du détour par Ermont!" (comment dire...c'est un peu la moindre des choses...). Normalement, c'est 50, je vous fais moins 10 euros". 

Comme saisie d'un doute sur ses compétences, je rétorque : "C'est vous qui le dites. Je préfère vérifier le kilométrage sur Internet" et m'apprête à rentrer dans la maison pour mettre mes propos en application. 
Lui: "Si c'est comme ça, je garde votre sac. Je suis prêt à attendre trois heures s'il le faut!". 
J'ai bien l'intention de revenir le voir, mais il en a l'air moins certain... Ce qui ne m'empêche pas de le contredire:
Moi:"Pas question que je vous laisse mon sac!"
Lui:"Je le prends!"
Moi: "Non!"
Lui: "Si!" 
Moi:"Non!" 
Lui: "Si!"
Moi: "Non!"
Lui: "Si!" 
etc., etc., etc.,... en un beau crescendo. 

Faute de crier plus fort, je finis néanmoins par le lui laisser. Je rentre dans la maison et vérifie le kilométrage (26), multiplié par le tarif C (1,54), ce qui fait 40 euros. Je reviens: "J'ai vérifié. Le prix devrait être de 40 euros. Donc si vous me faites un prix, comme vous dites, je devrais vous payer 30". Il hurle: "déjà que j'ai attendu 15 minutes! Puisque c'est comme ça, j'emmène votre sac au poste de police!" et de traîner mon fidèle compagnon sur le bitume. Révoltée par le traitement qu'il lui inflige, je rétorque : "Et moi, je relève votre plaque d'immatriculation!".

De guerre lasse et malgré tout consciente de notre ridicule, je finis par lui donner la somme qu'il réclame. Je reprends mon sac, lance "Je ne vous remercie pas!" et rentre d'un pas décidé... Une fois à l'abri de la maison, je me laisse choir sur une chaise, bouleversée par toute cette tension, surprise par tant d'agressivité et par ma propre réaction : "Bienvenue en France!" me dis-je...

*


Épilogue

Mon ami va mieux. Ironie du sort, il était hospitalité à Eaubonne, à côté d'Ermont...

La voisine (la dame blonde) était heureuse d'avoir un peu d'animation : "mon fils est sorti, mon mari parle pas, j'ai pas d'amis, pas de famille... alors vous comprenez, je passe mes soirées ici". 

Maintenant, cette histoire me fait bien rire... Pauvre chauffeur. 

Moi qui était revenue si zen de mes neuf mois de voyage, la France me rappelle en moins de deux heures que rien n'est gagné! Le travail de toute une vie...