vendredi 13 décembre 2013

I love Lovina, but...

Journée pénible: à Bali, tout se négocie. A Lovina, une petite station balnéaire tranquille du Nord de l'île, aussi. Les touristes sont rares par rapport au nombre d'hébergements, de restaurants et de petites boutiques, surtout en cette saison. Du coup, ils sont harcelés. Conversation typique:

"Hello! How are you?"
"Fine, thank you. And you?"
"Good! Where are you from?"
"France"
"Oh, France! Bonjour, ça va?" grand sourire suivi d'un "What's your name?" et de vous serrer la main en se présentant. Maintenant que le lien est établi, on passe aux choses sérieuses: 
"Are you interested in (au choix): seeing the dolphins? Diving? Shopping? Taxi? Motorbike?... pas cher, pas cher".
"No, thank you, I don't need anything"
"but why? pas cher !"

Plus loin: 
"Hello! My "friend"! Do you remember me? If you book a taxi, it's with me!" L'un d'entre eux a même osé un "Honey" que j'ai tout d'abord pris pour la prononciation approximative de mon prénom. 

Version suppliante (la pire): "please, come and see! Please buy me a sarong! For good luck today!" pas de sourire, juste une tentative désespérée de vendre quelque chose alors que les dix étals suivants proposent les mêmes produits.

Une fois, ça va, deux aussi, mais dix à vingt fois en une journée, je frôle l'overdose et ça retombe sur les plus honnêtes... Alors que j'avais trouvé un bout de plage fréquenté uniquement par les pêcheurs et leur famille, un jeune homme est venu vers moi. Intéressant, amical, il m'a raconté sa vie et ça n'a pas raté, dix minutes après, il me sortait sa marchandise. Sauf qu'il était étudiant en art, avait pu se former grâce à un parrainage français, fabriquait des bijoux plutôt jolis qui servaient aussi à financer l'éducation d'autres enfants (en étant capable de m'expliquer le processus), etc. Je lui ai dis qu'on m'avait suffisamment menti depuis la veille (genre: "You are looking for spice dive? I am a dive master of spice dive! I offer you a free room if you book a dive with us!" laquelle chambre est la seule pièce d'une maison déserte avec aucun club de plongée en vue...). L'étudiant m'a répondu qu'il croyait dans le karma et tentait de vivre avec un coeur ouvert sur le monde (sous entendu, il ne se permettrait pas d'être malhonnête). J'ai fini par craquer sans savoir si je devais le croire, je ne voulais pas de colliers, mais j'en ai pris trois (au lieu de cinq) et au moment de payer, il me manquait 5000 IDR (genre 30 centimes). Il m'a laissé les trois et j'ai le sentiment de l'avoir volé... Mauvais pour mon karma... 

Gérer la différence de niveau de vie entre nos pays et ce qu'elle induit dans les relations marchandes et humaines est peut-être ce que je déteste le plus. A force, on finit par ne plus croire personne, y compris les plus sincères, et par négocier dur pour 1 euro, ce qui est assez ridicule. Le pli de la méfiance est pris et l'on ne sait plus s'en défaire à temps. Être considérée comme un porte-monnaie ambulant, c'est fatigant. La solution serait de garder de la distance et de l'humour en toutes circonstances, mais que chaque approche amicale se réduise à un échange marchand, c'est lassant. Si vous avez des conseils ou des répliques efficaces dans ce genre de situation, je suis preneuse.

jeudi 12 décembre 2013

Des p'tites bulles, des p'tites bulles, toujours des p'tites bulles...

"J'ai des copains de plongée à Bali en ce moment, je vous mets en contact" – ma sœur, en novembre. Elle m'aurait proposé ça il y a quelques mois, je n'aurais pas suivi : sport à risque + respirer sous l'eau dans un tuyau = euh...non, vraiment, non, merci, n'insistez pas... Il me fallait bien un périple en Asie pour décider de m'y mettre. Pour lever des appréhensions bien naturelles, j'ai commencé par un baptême de plongée à Lorient, sur la plage du Perello, mené avec brio par ma sœur et coachée par mon beau-frère, lequel m'a supplié de ne pas faire pipi dans sa combinaison de plongée même pour me réchauffer (le "nareux", comme disent les Lorrains). Par contre, j'avais le droit de cracher dans son masque pour éviter la buée. Sympa, la plongée... Au-delà de ces aspects régressifs, j'ai découvert des paysages sous-marins que j'étais loin de soupçonner en allant me dorer sur cette plage tous les étés : laminaires, algues vertes, rouges, roses, spirographe, bernards l'hermite, anémones... J'en suis sortie enchantée. Si vous avez suivi, j'ai ensuite acquis les bases en passant l'Open Water aux îles Gili, puis enchaîné sur des "fun dives" à Nusa Lembogan. La proposition de Laurent tombait donc à point nommé : me joindre à eux pour plonger sur le Liberty, un navire américain torpillé par les Japonais en 1942, échoué sur la cote Est de Bali et rejeté à la mer par une éruption du mont Agun en 1963. 

Nous avons quitté Sanur le lundi matin (si vous n'avez rien de spécial à y faire, inutile de vous y attarder) pour rejoindre Tulamben, en faisant étape à Tirta Ganga, le palais des eaux.




A l'arrivée, déception: les prix du bon plan avaient quintuplé en un an... et n'imaginez pas convaincre des plongeurs émérites d'envisager un repli loin du rivage, alors qu'il leur suffirait de chausser les palmes pour rejoindre l'épave. Heureusement, nous avons trouvé refuge quelques mètres plus haut à Aqua Dive Paradise, qui proposait, outre un équipement de qualité, des chambres simples, propres, confortables et pas chères. J'avais prévu de faire une ou deux plongées puis d'explorer l'arrière-pays. C'était sans compter la richesse de la vie sous-marine sur cette épave et la passion communicative de Laurent et Laetitia pour les fonds marins. Finalement, j'en ai fait six, dont une de nuit au cours de laquelle nous avons vu d'énormes poissons perroquets à bosse dissimulés dans les recoins de l'épave et des mérous en chasse (mantra: "rester calme, rester calme, rester calme... Bon, les palmes de Laurent sont blanches et noires, facile, j'me tromperai pas de palanquée... Ciel! Du courant! Mayday, mayday! je m'écrase contre l'épave!"). Ils ont eu la gentillesse de partager leur plongées et leurs conseils avec une débutante qui consommait son air deux fois plus vite ("Quoi? Il vous reste 100 bars? Mais pourquoi il m'en reste 50?!..." ou comment comprendre très concrètement que les muscles consomment de l'oxygène). Mon vocabulaire s'est enrichi de nouveaux mots (merci à Laurent Trapani pour les photos)...


comatules
                       
                     
ascidies    


 anguilles jardinières


 bénitiers...  

... et mon imaginaire d'un monde fabuleux, riche de couleurs et de formes. Il y a tellement de poissons sur cette épave qu'on finirait par se prendre pour l'un d'entre eux... Allez, les dernières pour la route:





S'ils n'avaient pas eu un avion à prendre, ça aurait pu durer longtemps! Nous avons complété le séjour par une excursion à la cascade de Tejakulah, une ballade rafraîchissante, et au Pura Lempuyan, le temple de l'Est. Conclusion: il est plus facile de plonger que de grimper 1700 marches sous un climat tropical dans la jungle... On s'est arrêtés avant les singes agressifs et le dernier temple, perdu dans la brume. 

Pour conclure, un grand merci à Laurent et Laetitia pour les bons moments partagés et ces plongées que je n'aurais jamais réalisées sans eux. Méfiez-vous : plus on plonge, plus on y prend goût...

Côté pratique:
  • Passer l'open water: près d'un même site, les prix sont les mêmes, mais d'un site à l'autre, ça peut varier: 350 dollars à Gili T contre 280 dollars à Amed à Bali...
  • Plonger à Tulamben: Aqua Dive Paradise propose des chambres pas chères et loue des équipements de plongée en bon état, en plus d'être à quelques pas de l'épave du Liberty
  • Louer un scooter : 60 000 IDR à Tulamben contre 50 000 IDR par jour à Sanur et Ubud, (ben oui, "no competition here") 
  • Louer les services d'un chauffeur avec voiture: Dolong m'a emmenée de Tulamben à Ubud pour 350 000 IDR : sympa et communicatif en plus de rendre le trajet "safe and comfortable"


dimanche 8 décembre 2013

Indonésie - Des Gilis à Nusa Lembongan

On me l'avait prédit, il est arrivé: le blues du voyageur au long cours. J'en ai tant fait et tant vu dans les premiers mois que mi-novembre, je suis arrivée épuisée à Bali, sans aucune envie d'adresser la parole à mon voisin ni de découvrir un nouveau pays. La curiosité pour le monde et les autres cultures m'avait désertée. Une seule envie: rentrer chez moi, en Bretagne, me faire dorloter par ma famille, un bon repas le dimanche, un dîner de crêpes, l'océan, que demander de plus?... Arrivée là de mes rêveries, j'ai réalisé qu'un aller-retour pour la Bretagne dernière minute représentait financièrement presqu'un mois de voyage. Halte-là! Me suis-je dit, pas de décision hâtive. Après avoir traîné sur quelques blogs de voyageurs (c'est un mal plus répandu qu'on ne le croit), j'ai décidé de tenter un ensemble de remèdes : 

- m'offrir une belle chambre rien que pour moi: adieu dortoirs et couchsurfing ;
- avant toute chose, dormir (même si le muezzin et les coqs ont eu raison de mes grasses mat') ;
- ne RIEN faire (une île de 2 kilomètres sur 4 est parfaitement appropriée) ou à la rigueur, rejoindre la plage à vingt mètres du bungalow ;
- skyper pour la première fois en trois mois avec ma famille et mes amis proches ;
- et quand je le sentirai, commencer la plongée;
- dans l'idéal, sur une île sans véhicule motorisé.

C'est ainsi que je me suis retrouvée aux îles Gili, proches de Lombok :


Craignant de n'être entourée que de couples en lune de miel sur Gili Air et Gili Meno, plus calmes, j'ai rejoint Gili Trawangan, bien qu'elle soit réputée comme l'île de la fête et que se succèdent sur sa rue principale bars, cafés, bungalows et hôtels pour touristes sans liens avec le village. De fait, il m'a fallu une bonne semaine pour l'apprécier avec tous ses contrastes, mais il faut dire que, fidèle à mon programme, les premiers jours se sont passés entre mon bungalow et la plage. Après une bonne cure de sommeil, je suis redevenue un être sociable et j'ai découvert des voisins fort sympathiques, dont Birgit, de Munich, fidèle à Tanah Qita depuis cinq ans, qui témoignait de la multiplication des constructions touristiques ces dernières années, au détriment de la richesse de la vie sous-marine, tout en continuant à apprécier les lieux.

On plonge beaucoup aux Gilis et j'en ai profité pour passer mon Open Water, l'équivalent du niveau 1 français en plongée. Au programme: coraux, tortues (certaines nous rendaient visite chaque soir sur la plage), bancs de poissons multicolores, serpent de mer, requin de récif, poissons perroquets à bosse... Le son du muezzin plusieurs fois par jours m'est devenu familier, de même que la musique zen du salon de massage de la plage (un morceau en boucle toute la journée).


Au bout d'une semaine, j'étais suffisamment remise pour rejoindre le "sunset point" à l'autre bout de l'île et la beauté fantastique du coucher de soleil entre Lombok et Bali m'a éblouie. Une telle beauté est un vrai bonheur, elle vous réconcilie avec la vie : des couleurs flamboyantes, changeantes, se reflétant sur le mont Agun de Bali et sur les vagues, un spectacle qui, lorsqu'il cesse d'un côté de la mer, reprend de plus belle de l'autre. Après dix jours de ce régime, j'ai commencé à me sentir en vacances. Car il y a une vraie différence entre vacances et voyage.


     

  

Je ne sais, cependant, si je conseillerais Gili Trawangan. Si vous voulez faire la fête, tester les champignons magiques et que vous avez besoin d'animation, oui. Et sans aller jusqu'aux diverses méthodes hallucinogènes, commencer la soirée par un coucher de soleil splendide, une caïpirinha à la main, et la prolonger par un concert de reggae au sama sama après une journée de plongée, c'est bien sympathique. Mais si vous cherchez une vie locale, non. Si vous êtes choqué de voir des occidentales et des australiennes se promener en bikini dans les rues d'une île musulmane, quand bien même la plage est à deux mètres, et de constater que les sols sont jonchés d'ordures dès que vous quittez la zone touristique et rejoignez le village, non plus. La vie locale, ici, c'est celle des touristes et des gens de Lombok venus vendre leurs perles ou bosser dans le tourisme. Mieux vaut alors rejoindre Gili Air ou Gili Meno. 

J'ai finalement réussi à m'en arracher le 11ème jour pour voguer vers Nusa Lembongan, une île balinaise. Elle est reliée par un petit pont à Nusa Ceninda et proche d'une plus grande île, moins accessible, Nusa Penida. L'ensemble est réputé pour ses fonds marins. La plupart des habitants tirent leurs revenus de la culture des algues. Le tourisme s'y développe mais n'a pas encore dénaturé l'île. Après toutes ces nuits dans un bungalow luxueux, j'ai voulu aller au plus économique: 150 000 roupies le bungalow avec ventilateur (soit 10 euros) contre 250 000 ailleurs. Economique certes, mais fortement défraîchi et un "ami "cafard" dans la salle de bain, une piscine en construction et une terrasse plongée dans le noir faute de raccord à l'électricité à partir de 19 heures... Un conseil pour les petits budgets : cherchez une chambre chez l'habitant (mot magique: "homestay"). J'ai rencontré un breton (ils sont partout) qui s'est logé pour pas cher une dizaine de jours tout en apprenant l'indonésien avec la famille.

Toujours est-il qu'en une soirée sur cette île, beaucoup moins fréquentée, j'ai fait autant de rencontres marquantes qu'en dix jours à Trawangan. Trouver l'endroit qui vous sied n'est pas toujours aisé... J'ai réalisé un fantasme: plonger avec deux raies mantas, et j'ai découvert un poisson grenouille et des coraux superbes... La côte est plus découpée, les vagues s'écrasent contre les falaises, la mer est turquoise par endroits, les fonds marins sont riches, l'île de Nusa Penida, sur laquelle je n'ai pas abordé mais que j'ai observée de la mer, semble à l'écart du temps, couverte d'une végétation dense. Des pêcheurs jettent leur ligne du haut d'une vingtaine de mètres et la jungle semble la recouvrir... Des îles séduisantes, même en coup de vent.