dimanche 13 octobre 2013

Un week-end dans le quartier des yourtes d'Oulan-Bator (septembre 2013)



Pour mon premier jour de voyageuse solo, en cette fin septembre, j’avais décidé de faire du couchsurfing dans le quartier des yourtes d’Oulan Bator. Mon hôte m'avait transmis un plan détaillé : bien fermer mon sac pour ne pas tenter les pickpockets dans le bus bondé, compter neuf arrêts, descendre après une station essence orange, emprunter un chemin en pente raide à droite d’une cheminée blanche, franchir la porte en bois près de la maison à étages…

Descendue au bon arrêt, j’étais contente de moi jusqu’à ce qu’un ivrogne m’aperçoive. C’est donc en étant suivie de cet indélicat dont l’anglais se résumait à " hello kiss kiss " que j’ai pénétré sur le terrain de Begzsuren et sa famille. Mon hôte a dû mettre cet individu dehors par la force, en lui arrachant la pierre dont il s’était saisi pour protester.  " Usually, I don’t host women who are travelling alone, to avoid problems for everyone ", m'a-t-il dit. Well… " But I accepted your request because I am hosting Maxime, a French guy. Maybe you could travel together? " Il se trouve que Maxime avait décidé de partir le lendemain vers l’Ouest dont je revenais tout juste. Belle intention, mauvais timing !

Pour vous dépeindre l'endroit, il faut savoir que le centre d’Oulan Bator est relativement petit, mais qu’autour, s’étendent de nombreux quartiers qui semblent être sortis du sol dans l’anarchie la plus totale. Des cabanes en bois, des maisons de briques et de nombreuses yourtes dressées par les nouveaux citadins venus de la campagne à la recherche d’un travail. Pas d’eau courante, mais des citernes où les habitants viennent se ravitailler, des terrains de terre battue, des décharges improvisées à ciel ouvert, quelques chiens errants… D’un coup, je me suis demandée ce qui m’avait pris. 

J'ai mis peu de temps à m’en rappeler face au sourire retrouvé de mon hôte une fois l’affaire réglée et au verre de lait frais offert par sa femme en guise d’accueil. Trouver un couchsurfer anglophone dans le quartier des yourtes qui ouvre sa porte au monde entier pour partager sa vie, sa culture et sa connaissance de la Mongolie, comment passer à côté d’une telle rencontre ? 

Le jour suivant, je me suis rendue au centre-ville pour visiter le musée des victimes de la répression soviétique (à nouveau fermé, ce n’était que la deuxième tentative) en affrontant un air surchargé de gaz d’échappement et des bus bondés. En revenant chez Begz et sa famille, j’ai eu le sentiment de rejoindre un havre de paix, heureuse de retrouver cet endroit où l’on respirait beaucoup mieux, d’entendre à nouveau les rires de leurs filles de 6 et 8 ans et la musique de leur fils aîné, doté d’un talent évident pour la guitare, le clavier et le fiddle horse.

Le contraste entre ce quartier, le mode de vie traditionnel des nomades et la présence d’un écran plat et d’une connexion Internet dans la yourte est peut-être ce qui m’a le plus surprise en arrivant. Je dois être la 202ème « couchsurfeuse » accueillie par Begz depuis 2008. La nuit, les couchsurfers dorment dans la grande yourte sur un matelas à même le sol, comme Begz et sa femme, tandis que les quatre enfants dorment dans la petite yourte. Le matin, la grande yourte se transforme en club de nutrition puis en pièce à vivre. Tous leurs enfants parlent un minimum d’anglais. Il y a de la joie, de l’amour, une conscience environnementale, de la curiosité et une belle énergie.

Et de l’énergie, il en faut pour vivre ici comme ils le font ! Dans cette famille, la vie est bien réglée et le terrain organisé. Tous, couchsurfers compris, se lèvent à 6 heures. La journée commence par la traite des vaches, puis il faut emmener les veaux à la pâture. Animer le club de nutrition, aller chercher de l’eau, préparer le repas puis la yourte pour affronter la rigueur de l’hiver… Le dimanche, Begz n’a pas arrêté de la journée : la température avait chuté brutalement de 18 à 5 degrés en 24 heures, voire -5 degrés, avec vent et neige. Il fallait faire livrer le charbon, charger le poêle, remblayer le pourtour de la yourte pour éviter que le vent ne passe sous la toile, isoler la porte…  

Cette vie, c'est en partie un choix. Il y a quelques années, ils ont décidé de devenir végétariens et ont acquis une première vache pour le lait, les yaourts (délicieux), le beurre, le combustible des poëles (la bouse de vache séchée)... Ils tentent de vivre de manière écologique en ville, ce qui n'est pas un mince exploit à Oulan-Bator, et espèrent transmettre ces principes à leurs enfants. Sur le terrain acquis à l'issue de ses études, Begz avait commencé par construire une maison en bois. Après avoir reçu un couple de français qui vivaient dans une yourte en Bretagne, la famille a décidé de revenir à un habitat plus traditionnel. La vie prend parfois des chemins détournés...

Avec eux, j’ai appris à traire une vache (enfin, à tirer sur un pis), à emmener les veaux au pré, à préparer du beurre, à cuisiner une soupe traditionnelle de légumes et de mouton, à aller chercher les vaches car une fois lâchées, encore faut-il les retrouver (dans la vallée, près de la rivière, dans la montagne ?...), à les ramener (enfin, ce sont elles qui m'ont ramenée et m'ont fait traverser la route)… Au-delà de ça, j’ai le sentiment d’avoir beaucoup reçu à leurs côtés, ne serait-ce que par le simple fait de partager ces quelques jours avec eux. Je reste marquée par leur dynamisme, leur ouverture, leur sens de l’hospitalité et la vie qu’ils se créent dans cet environnement rugueux pour une occidentale. Simplicité, optimisme, joie de vivre, générosité et ouverture sur le monde, de bons principes, non ? Pour conclure, « be happy and don’t worry ! ».  



3 commentaires:

  1. C'est une belle expérience que tu as l'air d'avoir vécu là.
    Je suis persuadé que le meilleur moyen de découvrir un pays c'est en partageant un peu du quotidien de ses habitants, ce que tu as eu la chance de pouvoir faire.

    Bonne continuation.

    Bises

    APS

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  2. Tu voyages seule maintenant ?
    PAS

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