mercredi 22 janvier 2014

Nusa Penida

Je disais donc, j'ai choisi de finir mon séjour au rythme tranquille de l'île de Nusa Penida. Réactions choisies : "Where?", "but why?", "Two weeks!..." Et oui. Je suis tombée sous le charme de cette île. Peut-être se rapproche-t-elle de ce que Bali était il y a une trentaine d'années, avant de succomber à l'emprise du Dieu Tourisme. Ici, personne ne tente de me vendre quoi que ce soit et si mon scooter risque de finir dans le fossé, c'est plutôt à cause d'un nid de poule que d'un conducteur fou. Les enfants me saluent de "Hello !" enthousiastes suivis, au choix, de "you're beautiful" ou "I love you" (bon, parfois, l'inverse aussi, ça reste des enfants). Le contact avec les habitants est facile et paisible, surtout avec quelques mots d'indonésiens dans ses bagages. Beaucoup m'ont regardé passer intrigués, lors de mes ballades, tout en me rendant mes "selamat pagi" (bonjour) avec le sourire. 

Sous le royaume de Klungkung, l'île de Nusa Penida a longtemps accueilli les indésirables. De son passé de bagne, elle a gardé une réputation austère, quelques légendes, des histoires de magie noire. Sur ce point, j'ai reçu deux versions: la première me faisait comprendre que ce n'était que légendes; la seconde, que la magie noire est indissociable de la magie blanche, c'est simplement une manière d'évoquer le lien aux esprits, certains étant bons, d'autres mauvais. 




La plupart des habitants vivent de la culture des algues introduite sur l'île dans les années 80. Au petit matin, à l'occasion d'une marée basse, on peut les voir les récolter à la main, une bouée et un panier de feuilles de palmier à leurs côtés, face au Mont Agun, la montagne sacrée de Bali. Une fois séchées, les algues sont revendues pour être utilisées dans les cosmétiques et gélifiants.



Le soir, sur la plage de la baie de cristal, les enfants jouent dans les vagues, avant de se laver dans l'eau de la source voisine. En s'enfonçant dans les terres, on croise des vieux et des vieilles, certains pliés en deux, qui portent sur leur tête le fourrage pour leurs bêtes, du bois ou des paniers d'offrandes. Il y a une trentaine d'années, il n'y avait ni électricité ni véhicule motorisé sur cette île dont les traditions sont encore fortes.




Côté spiritualité, comme à Bali, chaque village ou communauté possède au moins trois temples principaux, sans compter les temples familiaux. Le Goa Giri Putri, dans des grottes, et le temple de Ped, font partie des plus importants et attirent les fidèles de Bali. Côté nature, il suffit de chausser les palmes et de nager au-dessus des champs d'algues pour rejoindre coraux et poissons tropicaux. C'est autour de cette île qu'on peut aller à la rencontre des raies mantas et des poissons lunes, les plus grands poissons au monde (jusqu'en octobre). Les amateurs d'oiseaux peuvent quant à eux y observer le bali starling. En saison des pluies, la végétation est luxuriante, même si l'île a souffert de déforestation. On ne le réalise qu'en quittant la côte pour les collines et le versant plus sauvage de Nusa Penida.







Sous l'action du FNPF (Friends of the National Park Foundation) et avec l'implication des villageois, l'île est devenue un sanctuaire pour oiseaux, l'action la plus marquante étant le développement de la population des Bali starling. La Fondation s'emploie également à remédier à la déforestation, en mettant à disposition des habitants des arbres à planter qu'elle fait livrer ou cultive. Elle développe un programme de bourses scolaires et universitaires pour soutenir les enfants de Nusa Penida dans leurs études, ainsi que des cours de danse balinaise et une sensibilisation à l'environnement. Elle entretient aussi un jardin bio à titre d'exemple, pour encourager les habitants à cultiver leurs propres légumes et diversifier leurs cultures (algues sur la côte, maïs dans les terres prédominent), sachant que la majorité est importée de Bali alors qu'ils poussent très bien sur l'île. Bref, le FNPF s'investit dans la protection de la vie sauvage et l'amélioration du bien-être des habitants de Nusa Penida. Les touristes sont rares et certains les souhaiteraient plus nombreux, tout en considérant Bali comme le contre-exemple absolu. Pour l’instant, les règles des communautés semblent suffisamment fortes pour que l'île reste ce qu'elle est. J'espère vraiment que Nusa Penida trouvera ainsi sa propre voie...

C'est ici que j'ai passé les deux premières semaines de l'année 2014, en tant que "volontaire" aux côtés de l'équipe locale et d'autres voyageurs âgés de 13 à 77 ans. J'ai retrouvé le goût du voyage en me laissant aller au rythme paisible de l'île. Se rendre sur la plage au lever du jour (les coqs ne vous laissent pas trop le choix d'une grasse mat'...), se voir inviter par un voisin à s'asseoir et à apprécier le "spectacle" matinal de la culture des algues, entretenir le jardin bio le matin, planter des arbres, dégager le nouveau site en construction, se rafraîchir dans l'océan, aller saluer les poissons, partir en ballade à scooter dans les montagnes pour rejoindre une plage ou des falaises, se perdre dans les chemins de traverse, faire un bout de route avec une femme revenant des champs, un lourd panier sur sa tête, échanger un sourire avec une grand-mère sans âge après quelques mots d'indonésien, répondre aux saluts des enfants, se contenter d'être là, de vivre l'île. Découvrir l'enthousiasme des enfants du club d'anglais (je les adopterais bien tous s'ils n'avaient pas déjà une famille), dîner face à la mer, lorsque les lumières du soleil couchant se reflètent sur le mont Agun, ou dans un warung tout en discutant avec un professeur de langues local (japonais, anglais, indonésien, balinais), finir la soirée avec un verre d'arak au son d'une guitare... Se rendre au temple un soir de pleine lune avec un voisin et apprendre à y prier... 

Une précédente volontaire, Carolina Granado Pinto, a laissé derrière elle un petit livre sur Nusa Penida et le "slow travel" et c'est bien de cela qu'il s'agit : ralentir, s'adapter au rythme de l'île, prendre du temps pour soi et le partager avec les autres, ne pas hésiter à se perdre, s'investir dans les activités locales, partager ses idées et ses compétences, emprunter les chemins de traverse, sortir de sa zone de confort et plutôt que de se contenter de rester dans un lieu, le vivre intensément... Le "slow travel" ou un état d'esprit, du respect, l'envie de créer une relation qui ait du sens avec une île, ses habitants, leur culture. Pensez-y si l'envie vous prend d'y faire un tour ! J'ai bien pensé garder le secret, mais c'est grâce à un blog de voyageurs que j'ai décidé de m'y rendre, alors partageons... Nusa Penida ne se consomme pas, elle se vit. 

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