Journée pénible: à
Bali, tout se négocie. A Lovina, une petite station balnéaire tranquille du Nord de l'île, aussi. Les touristes sont rares par
rapport au nombre d'hébergements, de restaurants et de petites
boutiques, surtout en cette saison. Du coup, ils sont harcelés. Conversation typique:
"Hello! How are
you?"
"Fine, thank you.
And you?"
"Good! Where are you
from?"
"France"
"Oh, France!
Bonjour, ça va?" grand sourire suivi d'un "What's your name?" et de vous serrer la main en se présentant. Maintenant que le lien est établi, on passe aux choses sérieuses:
"Are you interested in (au
choix): seeing the dolphins? Diving? Shopping? Taxi? Motorbike?...
pas cher, pas cher".
"No, thank you, I don't need anything"
"but why? pas cher !"
Plus loin:
"Hello! My "friend"! Do you remember me? If you book a taxi, it's with me!" L'un d'entre eux a même osé un "Honey" que j'ai tout d'abord pris pour la prononciation approximative de mon prénom.
Version suppliante (la
pire): "please, come and see! Please buy me a sarong! For good
luck today!" pas de sourire, juste une tentative désespérée
de vendre quelque chose alors que les dix étals suivants proposent
les mêmes produits.
Une fois, ça va, deux
aussi, mais dix à vingt fois en une journée, je frôle l'overdose
et ça retombe sur les plus honnêtes... Alors que j'avais trouvé un
bout de plage fréquenté uniquement par les pêcheurs et leur
famille, un jeune homme est venu vers moi. Intéressant, amical, il
m'a raconté sa vie et ça n'a pas raté, dix minutes après, il me
sortait sa marchandise. Sauf qu'il était étudiant en art, avait pu
se former grâce à un parrainage français, fabriquait des bijoux plutôt jolis qui
servaient aussi à financer l'éducation d'autres enfants (en étant
capable de m'expliquer le processus), etc. Je lui ai dis qu'on
m'avait suffisamment menti depuis la veille (genre: "You are
looking for spice dive? I am a dive master of spice dive! I offer you
a free room if you book a dive with us!" laquelle chambre est la
seule pièce d'une maison déserte avec aucun club de plongée en
vue...). L'étudiant m'a répondu qu'il croyait dans le karma et
tentait de vivre avec un coeur ouvert sur le monde (sous entendu, il
ne se permettrait pas d'être malhonnête). J'ai fini par craquer
sans savoir si je devais le croire, je ne voulais pas de colliers,
mais j'en ai pris trois (au lieu de cinq) et au moment de payer, il
me manquait 5000 IDR (genre 30 centimes). Il m'a laissé les trois et j'ai le sentiment de l'avoir volé... Mauvais pour mon
karma...
Gérer la différence de
niveau de vie entre nos pays et ce qu'elle induit dans les relations
marchandes et humaines est peut-être ce que je déteste le plus. A
force, on finit par ne plus croire personne, y compris les plus
sincères, et par négocier dur pour 1 euro, ce qui est assez ridicule. Le pli de la méfiance est pris et l'on ne sait plus s'en défaire à temps. Être considérée comme un porte-monnaie ambulant, c'est fatigant. La solution serait de garder de la distance et
de l'humour en toutes circonstances, mais que chaque approche amicale se réduise à un échange marchand, c'est lassant. Si vous avez des conseils ou des répliques efficaces dans ce genre de situation, je suis preneuse.