Ah,
Kyoto, ses innombrables temples shinto, zen, bouddhistes..., ses
maisons de thé, son château de Shogun, ses montagnes, ses vallées,
ses jardins, ses geishas d'un jour (pour 10 000 yens, vous
pouvez vous déguiser pour une séance photo) et de toujours (il en
resterait une centaine à Kyoto et un millier au Japon)...
J'y ai
découvert un Japon raffiné et élégant et des temples légers
invitant à la méditation. En m'enfonçant dans la forêt derrière
l'un d'eux, je suis tombée, au détour d'un chemin, sur un moine
psalmodiant une longue prière près d'une source. Dans un sanctuaire
entre Kibune et Kumara, deux vallées rurales au Nord de Kyoto, une
femme priait avec ferveur, lisant ce qui semblait être des sutras,
avant d'esquisser un cercle les deux mains jointes autour d'elle. Cette litanie s'est close par un double claquement des mains marquant le retour à la réalité.
J'ai aussi rarement vu tant de superstitions réunies dans un seul lieu : il y
a des temples pour tout. Jetez une pièce (le prix est indiqué),
faites une prière, sonnez le gong puis claquez deux fois dans les
mains et le tour est joué. "500 yen pour réaliser son voeu,
c'est pas cher payé!" m'a déclaré une brésilienne d'origine
japonaise (entre 3 et 4 euros, quand même...). On peut acheter des
grigris, des talismans et au temple de l'eau, interroger sa chance
sur une feuille dont les mots ne se révèlent que trempés dans la
source. Bref, à la fois spirituel et trivial, intrigant et étranger.
Après plusieurs soirées tranquilles à la CS House de Shoji, ma
colocataire russe et moi-même avons décidé de fêter dignement
notre dernière soirée à Kyoto en partant à la découverte de ses
bars. Nous nous étions donné rendez-vous à la sortie 1 de la
station Sanjo-Keihan. Visiblement, il y a plusieurs sorties 1,
puisqu'on ne s'est jamais trouvées (aux mauvais esprits, je précise
que je n'avais encore rien bu). Décidée à profiter malgré
tout de la soirée, je suis partie à la recherche d'un lieu
convivial. Premier essai: un pub dans lequel six expatriés et un
japonais épongeaient leur solitude, gardés par deux fumeuses au
regard hostile... Je me suis aussitôt échappée de cet enfer pour
rejoindre un petit restaurant typiquement japonais, à deux pas. Les
plats étaient fort heureusement disposés sur le comptoir de bois
derrière lequel s'affairaient les cuisiniers et les serveurs, ce qui
a facilité la commande puisqu'il n'existait pas de menu anglais.
Alors que je m'apprêtais à me verser une bière, mon voisin
japonais m'a interrompue par de grands gestes et son ami m'a expliqué qu'au
Japon, la coutume voulait qu'un autre convive remplisse votre verre.
Ils m'ont donc servi ma propre bière et c'est ainsi que j'ai fait la
connaissance d'un australien et de son maître de Chanbara
(un sport assez confidentiel, me semble-t-il). Après quelques verres de saké, le maître
était d'humeur joyeuse:
- lui: "you are a high level person, I can see that!"
- l'australien: "hier, il disait déjà ça...
Ne fais pas attention, il ne tient pas l'alcool"
- moi, ignorant
cette dernière remarque (ça fait toujours plaisir qu'un inconnu
vous affirme que vous êtes géniale): "arigato gosaimaaaas..."
(merci).
Et de tenter de m'expliquer des concepts japonais avec
trois mots d'anglais...
Le maître m'a invitée à poursuivre la soirée
avec eux dans un bar de Kyoto et si je vous en parle, c'est parce que
je n'en ai encore jamais vu de tels : minuscule, dissimulé au
fond d'une allée étroite, derrière une porte sombre, fait d'une
seule pièce remplie d'une belle table noire en bois, au centre de
laquelle officiait le barman, plongé dans une lumière tamisée. Pas
de carte, la commande se débat directement. Un lieu idéal pour
conclure une affaire secrète entre initiés... Si vous passez par Kyoto et voulez
faire l'expérience d'un bar typique de cette ville, cherchez
l'enseigne suivante:
et vous aurez peut-être vous aussi
l'impression de rentrer dans les secrets de la ville.
Et pour ceux
qui s'intéressent aux samourails, des conseils de lecture d'un
australien versé dans la pratique des arts martiaux:
the
unfettered mind, the book of five rings,
the living sword. Le
maître m'a laissé sa carte en partant, m'invitant à venir
apprendre le chanbara l'année prochaine. S'il y en a que ça
tente...